memoire.html
Page d'accueil


 Témoignages...
C'est le 25 février 2001 que Rémy Lafaurie, l'un des plus grands
spécialistes des microphones, nous a quittés à l'âge de 89 ans.
Ancien élève de l'École Normale Supérieure, Professeur agrégé de
mathématiques au lycée Pasteur de Neuilly, c'était le Rédacteur en
chef de l'ancienne Revue du Son créée en 1953 par
Georges Giniaux, Directeur des éditions Chiron.
Il a joué un rôle très important dans le développement
de la Haute-Fidélité en France.
Revue
En 1955, Rémy Lafaurie avait traduit de l'anglais le livre
"Reproduction sonore à haute-fidélité" (éditions Radio),
écrit par le grand spécialiste britannique G.A.Briggs qu'il connaissait bien.
Cet ouvrage de 370 pages, avec l'introduction originale de 39 pages
qu'il avait rédigée, est une véritable bible concernant les haut-parleurs,
les résonateurs, les baffles, les enceintes, l'acoustique architecturale et
l'enregistrement sonore de l'époque. Nous sommes très nombreux
à avoir acquis les connaissances de base grâce à ce livre, à
ses centaines d'articles, à sa gentillesse et à sa disponibilité.

Toutes les grandes firmes de microphones ont fait un jour ou l'autre
appel à lui car il savait convertir en équations les phénomènes sonores et
mécaniques complexes se produisant dans la capsule des transducteurs
qu'il démontait et étudiait. D'autre part, il jouait du violon et cherchait
toujours à reproduire le plus fidèlement possible le son
des instruments quand ils étaient enregistrés.
Ceux qui ont acheté la série des articles
"Théorie et pratique des microphones",
qu'il a fait paraître entre 1981 et 1990 dans la revue SONO éditée par
la Société des publications Radio-électriques et Scientifiques,
2 à 12 rue de Bellevue à Paris, possèdent aujourd'hui
 une documentation technique irremplaçable
sur les transducteurs.

micro

courbe

Micro dynamique Philips de la fin des années 80 et sa courbe de réponse effectuée par Rémy Lafaurie avec un traceur automatique. On remarquera la courbe droite de 130 à 3000 hertz, une remontée entre 3000 et 7000 hertz donnant plus de clarté à la voix et de nouveau une courbe droite de 7000 à 15 000 hertz (échelle 50 soit 2 dB par graduation).
(Photo C. Gendre)
Durement touché par la maladie vers la fin de sa vie, il avait conservé
un enthousiasme intact pour le son et les techniques analogiques et
numériques puisqu'il m'avait envoyé, au mois de mars 2000,
une aimable lettre de quatre pages traitant des problèmes
posés par le rééchantillonnage, qu'on appelle à tort
d'après lui "oversampling" ou "suréchantillonnage".
Il rappelait d'ailleurs que ce procédé numérique avait déjà été breveté
en 1952. Très modeste comme le sont les grands savants, il avait gardé
tout son humour. En  m'adressant ses voeux au début de l'année 2001,
quelques semaines avant sa mort, il a terminé sa carte en disant :
"Maintenant on me parle de rayons. On verra ;
mais on  fait des difficultés pour me faire jouer
mon dernier set... !".
 
******
Une mise au point...

Après la lecture d'un récent mensuel spécialisé dans le son et le home cinéma,
il m'a paru important de mettre les choses au point en ce qui concerne la célèbre
"Revue du Son" qui fut à l'origine du développement de la Haute-Fidélité en
France dans les années cinquante/soixante. On ne parlait  évidemment pas à
l'époque de "Home Cinéma"..., le magnétoscope n'ayant fait son apparition
dans les chaumières qu'à la fin des années soixante-dix (le VHS date de 1975).
La "vraie" Revue du Son a vu le jour en avril 1953 grâce à Georges Giniaux
(directeur des éditions Chiron), à Lucien Chrétien (directeur technique) et à
Maxime de Cadenet (rédacteur en chef). Dès les premiers numéros, le Conseil
de rédaction avait rassemblé les plus grands noms du monde du SON :

- Jean-Jacques Matras (Ingénieur général de la Radio-Télévision française),
- José Bernhart (Ingénieur des Télécommunications, chef du service "Prise
de Son" à la RTF),
- A. Moles (docteur ès sciences, ingénieur I.E.G, licencié en psychologie et
acousticien),
- François Gallet (Ingénieur des télécommunications, chef du service
"Enregistrement magnétique" à la RTF),
- Jean Vivié (ingénieur civil des mines, professeur à l'école technique du cinéma).

D'autres les ont rejoints comme André Didier (Professeur au Conservatoire des
Arts et Métiers de Paris), René Lehmann (Professeur à la Faculté des Sciences,
Directeur de l'Institut de Technologie du Mans), Pierre Loyez (Inspecteur
Principal des Télécommunications au Centre d'études des télécommunications),
André-Jacques Andrieu (de l'INRA de Jouy-en-Josas) et Pierre Lucarain
(Ingénieur électronicien à la direction des Centres d'expérimentations nucléaires).
C'est avec ce dernier que j'ai réalisé pour la Revue du Son le banc d'essai
du premier Revox A 77 arrivé en France  (il a été publié dans le numéro 203
de mars 1970).

En 1953, il existait aussi une petite revue destinée aux chasseurs de sons.
Elle était domicilée à la "Phonothèque Nationale" (19 rue des Bernardins -
Paris) et avait été fondée par Jacques Bureau et Jean Thévenot. Ce dernier
était le créateur de l'émission "On grave à domicile", devenue par la suite
la célèbre émission "Aux quatre vents" qui est restée pendant cinquante
années la tribune appréciée des amateurs d'enregistrement sonore sur les
antennes de la RTF, puis de l'ORTF, et enfin de Radio-France.
Certaines prises de son sont devenues célèbres comme celles de l'inventeur
du "Nagra", Stefan Kudelski, (le bourdon de Notre-Dame de Paris), de Francis
Jeannin (Les Merles des Indes), de votre serviteur ("Marc au cinéma", enregistré
en 1961, qui eut les honneurs du "Canard Enchaîné" après sa diffusion en 1962)
et de combien d'autres.... On se demande d'ailleurs pourquoi cette émission
a été supprimée en 2002...!

Dès la fin de l'été 53, cette petite revue fusionna avec le mensuel créé
par Georges Giniaux qui, à cette occasion, prit le nom de "Revue du Son -
Arts et Techniques sonores" (première revue française d'électro-acoustique).
Jean Thévenot devint Conseiller artistique tandis que A. Moles
et Lucien Chrétien prenaient le titre de Conseillers scientifiques.
Chaque revue était donc partagée en deux :

- Électro-acoustique (rédacteur en chef : Rémy Lafaurie)
- Arts sonores (rédacteur en chef : Jean-Marie Marcel).

Jean-Marie Marcel, dont l'oreille était redoutable, effectuait les bancs d'essai
des enceintes acoustiques (c'était le fils du philosophe Gabriel Marcel).
La Revue du Son accueillit aussi les informations concernant l'AFDERS
(Association Française pour le Développement de l'Enregistrement et de la
Reproduction Sonores) qui organisait des séances techniques de prise de son.
Pour le numéro 7 (octobre 1953), Jean Cocteau accepta même de se faire
enregistrer et ses propos furent publiés sous le titre "La civilisation sonore".
Il termina ainsi :
"L'homme sera un jour terrifié de se rendre compte que ses cellules sont aussi
éloignées les unes des autres que les astres, qu'il est un infini, une sorte de nuage
ou, pour être plus clair, un filet de pêche traversé de toutes parts par ces ondes
bruyantes et imagées que nous ne savons entendre ni voir" (Jean Cocteau -
Revue du Son n°7 - octobre 1953).
C'était il y a 50 ans...

Mais la renommée de La Revue du Son s'étendit très vite hors des frontières.
Elle eut rapidement un correspondant en Belgique (Jacques Dewèvre) et un
autre en Suisse (Claude Luthy). Puis, dès l'année 62, Émile Garin devint
correspondant pour le Canada et les USA (il demeurait à Brooklin 21 - N.Y.).
À la fin des années soixante, c'est Jean Hiraga - de Kobé - qui devint
correspondant pour les nouvelles du Japon.
Ce n'est qu'à la fin des années soixante-dix que l'ancienne "Revue du Son"
fut rachetée par un nouvel éditeur. Elle prit alors le nom de "Nouvelle
Revue du Son" avec une autre équipe de conseillers et de rédacteurs.
Jean Hiraga fut nommé rédacteur en chef et
vingt ans plus tard, en 1999, elle changea encore une fois de nom
pour devenir la "Revue du Son et du Home Cinéma".
Il était donc nécessaire d'apprendre aux générations actuelles que
"La Revue du Son & du Home Cinéma" n'est pas née en 1953 car elle n'est
en rien comparable, ni dans la forme ni dans l'esprit,
à la "Revue du Son" qui fut pendant 25 ans la plus recherchée parmi
les revues d'électro-acoustique en langue française.
Les articles qui ont été publiés dans ses pages sont encore
aujourd'hui des documents irremplaçables pour
les passionnés de "Haute-Fidélité"
(dans tous les sens du terme...).
 
(C) C. Gendre (31/8/2003)
      Page précédente <  > Page suivante