DAT
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DAT or not DAT ?
(Digital Audio Tape)

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Un peu d'histoire :
C'est en 1983, à la conférence mondiale du 24 juin, que la firme Sony a présenté un nouveau procédé d'enregistrement du son. Deux formats se trouvaient en présence : le S-DAT (S pour stationary,c'est-à-dire à têtes fixes) et le R-DAT
(R pour rotary,c'est-à-dire à têtes rotatives).
C'est le R-DAT qui fut choisi après deux ans d'expérimentations et de mise au point.

En technique analogique, on enregistre les fréquences sous forme de traces d'aimantation correspondant aux sinusoïdes du signal audio :

bandes

Traces d'aimantation sur une bande magnétique
bi-piste (en analogique).
En haut, fréquence fixe (deux traits noirs correspondent à 1 hertz).
En bas, enregistrement de musique (les traits sont plus ou moins
rapprochés suivant les fréquences et plus ou moins noirs suivant le niveau).
Pour rendre visible cette aimantation, on a saupoudré la bande avec de la poudre de fer très fine qui s'est placée suivant les lignes de force.
En bas de la bande supérieure, on remarquera qu'à plusieurs endroits
des fragments de la couche d'oxyde ont été décollés du support.
(Photo C. Gendre - bandes BASF des années soixante)

Dans le cas des techniques digitales, on enregistre des impulsions représentant les 1 et les 0 du signal échantillonné, provenant du convertisseur analogique/numérique. Mais comme les fréquences des signaux sont très élevées (échantillonnage à 44,1 ou 48 kilohertz) , il a fallu trouver un procédé permettant de les enregistrer sur une bande magnétique et de les lire.
Dans le domaine professionnel, on avait d'abord mis au point le format DASH (Digital Audio Stationary Head : enregistrement sonore numérique à têtes fixes) dont les vitesses de défilement de la bande
1/4 de pouce ou 1/2 pouce avaient été fixées à 38 et 76 cm/s
(35 et 70 cm/s pour les enregistrements destinés aux CD
échantillonnés à 44,1 kilohertz). Ces appareils étaient destinés à remplacer les magnétophones multipistes de studio puisqu'en numérique on peut faire des copies et des mixages d'une piste sur l'autre sans apporter de bruit de fond supplémentaire. Ce qui n'était pas le cas en analogique.

Le format DAT :

Comme il fallait trouver un format moins onéreux que le DASH, susceptible d'intéresser à la fois les petits studios et les amateurs, le DAT fut donc présenté par Sony à 81 sociétés sous deux formes différentes :

    - le système à têtes fixes (S-DAT) ;
- le système à deux têtes rotatives (R-DAT) fixées sur un tambour, procédé déjà utilisé sur les magnétoscopes pour enregistrer les fréquences élevées de la télévision.

principe

Schéma de principe du défilement sur un magnétophone
DAT. On notera l'analogie avec un magnétoscope. La bande a une
largeur de 3,81 mm et une épaisseur totale d'environ 13 microns.
Elle défile à 8,150 mm/s tandis que le tambour tourne à 2000 tours/mn. La vitesse résultante est de 3,133 mètres par seconde, permettant
d'enregistrer les trains de signaux numériques de 7,5 millisecondes encadrés par les sub-codes et les fréquences ATF (Automatic Track Finding : suivi automatique de piste). Pendant la lecture, c'est l'ATF qui oblige les têtes
à se positionner exactement sur les pistes en réduisant
ou en accélérant la vitese de la bande.
On peut ainsi enregistrer aisément de 2 à 3 millions de bits par seconde.
(document Kenwood in : Les Magnétophones de C.Gendre - éditions Dunod)

À la suite des essais effectués entre 1983 et 1985, c'est le format R-DAT (appelé dorénavant DAT) qui fut retenu pour la commercialisation. Dès cette date (sans jeu de mots... !), de nombreux appareils virent le jour, dont certains étaient - et sont toujours - d'une excellente qualité sonore car il n'y a aucune compression du signal audio. Seule la conversion analogique/numérique est inévitable mais on retrouve exactement le signal d'origine en lecture.
De nombreux "home studio" virent le jour et les compositeurs purent ainsi réaliser à peu de frais des maquettes de leurs compositions. De plus, les copies obtenues d'un magnétophone DAT à l'autre étaient identiques à l'original, sans bruit de fond supplémentaire, ce qui conduisit les firmes à insérer dans le signal le dispositif SCMS (Serial Copy Management System), comme c'était déjà le cas pour le Compact-Disc commercialisé en 1983. Le SCMS permet une copie en numérique d'un appareil à l'autre mais pas deux. Par contre, on peut effectuer autant de copies que l'on veut en liaison analogique
(il existe bien sûr une légère différence de qualité due à la double conversion numérique/analogique mais elle est très faible).
Bien entendu, sur les modèles professionnels, les fabricants ont prévu la possibilité de supprimer le SCMS pour laisser aux utilisateurs la possibilité de faire du montage par copie sans problème.

pistes

Schématisation des pistes magnétiques d'une bande DAT.
Les pistes se chevauchent les unes les autres au moment de
l'enregistrement, les têtes ayant un entrefer de 20,4 microns.
Les entrefers des têtes ont un azimut inversé : + 20° pour l'une,
- 20° pour l'autre ce qui évite à la tête A de lire les signaux
de la piste B puisqu'il n'y a pas d'espace de garde.
(document Kenwood in : Enregistrement et conservation des
documents sonores - C.Gendre - éditions Eyrolles)

Le tracking :

C'est un point important qui n'a pas été évoqué suffisamment dans les documents publicitaires ou les articles consacrés au DAT. Sur les premiers appareils et les modèles destinés au grand-public, on constate en effet un "trou" sonore très bref, quelques millisecondes, entre deux séquences qui se suivent au moment du montage par copie d'un DAT sur un autre DAT. C'est ce qui se produit avec la technique de "l'assemblage".
Ce "trou" ne s'entend pas si la première séquence se termine par un silence et si la deuxième commence par un silence ou débute par "l'attaque" d'un morceau ou une première parole (ce qui est facile à repérer avec les marqueurs). Il suffit donc de "shunter"
le bruit ambiant qui termine la première séquence avant d'arrêter l'appareil en pause.
Par contre, si l'on fait se succéder deux séquences avec un bruit
ambiant audible, on perçoît très nettement le court silence entre
les deux séquences quand le modèle DAT n'a pas été
prévu pour permettre un assemblage sans coupure.
Ce problème était déjà connu sur les premiers magnétoscopes
VHS sortis en 1975. Quand on assemblait deux enregistrements
vidéo, un décrochage de l'image se produisait à l'endroit du raccord.

La cause en est la suivante (elle est valable pour tous les appareils à tambour rotatif sauf un : le NT 1 Sony, baptisé "Scoopman") :
en démarrant l'enregistreur qui copie,
les têtes magnétiques de son tambour ne se positionnent pas obligatoirement sur les pistes précédentes, déjà enregistrées
sur la bande (même si l'on est passé par la touche "pause", car un glissement de bande se produit souvent à l'arrêt). Les premiers passionnés de vidéo étaient désepérés de ne pouvoir réaliser
un film monté correctement. Et malheureusement, dans
l'enseignement, les "responsables" qui ne pratiquaient
pas le montage ont souvent "agréé" des appareils qui ont déçu bon nombre d'écoliers ou de collégiens de cette époque quand ils recommençaient plusieurs fois l'assemblage sans pouvoir
enlever le déchirement d'image ou le flash de couleur.
Un peu plus tard, les firmes commencèrent à prévoir un retour
arrière de la bande au démarrage (d'environ 1 s 1/2) pour
que les têtes se synchronisent sur
les pistes avant d'entrer en enregistrement
(avec en plus, un système de parité des couleurs pour le Secam).

NT1

Le Scoopman NT 1 (non tracking), commercialisé en 1992,
est un appareil étonnant et peu connu.
De la taille d'un dictaphone, alimenté par
une pile 1,5 volt, il enregistre et reproduit les sons en numérique
sur une bande magnétique de 2,5 mm de largeur
enfermée dans une cassette ayant les dimensions d'un
timbre poste français à 3 F. Sa bande passante s'étend
de 10 à 15 000 hertz avec un échantillonnage à 32 khz.
Aucun tracking n'est nécessaire. Les têtes, à la lecture,
prélèvent au hasard les données numériques qui
se trouvent sur la bande avec une adresse.
Une mémoire les remet en ordre et reconstitue le signal
musical que l'on entend avec un léger décalage au
moment du démarrage. Les spectateurs s'exclament alors :
"Ha ! Ha ! il est en panne !". Et ce n'est pas le cas...
Malheureusement, le NT 1 n'est resté en vente que trois
ou quatre ans en France malgré sa qualité exceptionnelle.
(Photo C.Gendre)

Pour le DAT, le problème posé par le tracking a été résolu de la façon suivante : sur certains appareils, on a prévu quatre moteurs asservis qui maîtrisent totalement les mouvements de la bande. Sur d'autres, c'est un circuit électronique qui résout la difficulté d'assemblage.
Mais très rarement, à part dans les documents professionnels,
cette particularité est mentionnée.
Si le modèle utilisé a été équipé - comme par exemple le DAT Sony DTC-A8 - le montage se fait sans rupture de tracking. On peut ainsi mettre bout à bout deux
séquences avec un bruit ambiant sans que l'on entende le montage.
C'est le cas d'un concert, par exemple, dont on veut réduire les
temps morts entre les morceaux ou d'une interview dont
on veut enlever certains passages.
Cela était facile à faire avec les magnétophones analogiques à bande comme on peut le constater sur la première plage du CD d'exemples sonores du livre "Enregistrement et conservation des documents sonores" édité par Eyrolles, le document ayant été enregistré dans le cockpit d'un Boeing 747 à 10 000 mètres d'altitude au-dessus de l'Atlantique.

Espoirs déçus :

Les firmes espéraient que le DAT remplacerait le magnétophone à bande et que des cassettes pré-enregistrées seraient bientôt disponibles comme ce fut le cas pour les baladeurs. La société Kenwood fabriqua dès le début des appareils pour les voitures. Malheureusement, ces espoirs se sont amenuisés de jour en jour. Le DAT a connu un grand succès auprès des amateurs passionnés d'enregistrement sonore mais le grand-public s'en est désintéressé.
À la fin des années quatre-vingt dix, le DAT a été supplanté par les appareils DtD (Direct to Disc) permettant d'enregistrer le son directement et sans compression sur un disque dur, analogue à
celui d'un ordinateur. On trouve même des consoles de mixage
à 8 ou 16 entrées avec un disque dur interne pour enregistrer
et monter les documents avec facilité, sans aucune
perte ni danger d'effacement.

Les enregistreurs de CD-R (avec gravure de "pits"), puis de CD-RW (avec enregistrement sous forme d'une aimantation, la lecture se faisant par un faisceau laser) risquent eux-aussi de porter un coup fatal
au DAT, d'autant plus que les prix ont considérablement baissé.
Qu'en sera-t-il demain ? L'avenir nous le dira. Mais il est possible, comme ce fut le cas pour d'autres formats dans le domaine de la Vidéo ou de l'Audio, que le DAT disparaisse. D'ailleurs, dans les grandes surfaces spécialisées, on ne trouve plus que rarement des cassettes DAT alors qu'il y a quelques mois, il était facile de s'approvisionner.

DAT7

Magnétophone DAT Sony TCD-D7. Il a été remplacé
par le TCD-D8 toujours en vente. Excellent appareil à 3 fréquences d'échantillonnage : 44,1 khz, 48 khz à la vitesse normale
et 32 khz à la vitesse réduite de 4,075 mm/s.
(Photo C.Gendre)

Sic transit, mais on pourra le regretter car le très faible encombrement de certains appareils, dont la qualité n'avait rien à envier à celle de machines beaucoup plus impressionnantes, permettait d'enregistrer des concerts en "live", de façon discrète, sans perturber les spectateurs qui paient leur place et n'ont que faire d'un déploiement grandiose de matériel sonore. Les amateurs de classique savent-ils que certains disques, appréciés et bien cotés, ont été enregistrés par un DAT Sony TCD-D7 ou TCD-D8 ressemblant à un baladeur ou
encore par un TCD-D10 Pro, guère plus gros?
Étonnant, n'est-ce pas ? Il est vrai que les micros étaient des électrostatiques de haut-niveau, placés en couple 110°/17 cm,
et que le préampli/alimentation fantôme avait un volume
plus important que l'enregistreur lui-même, l'ensemble
valant deux à trois fois plus cher que lui... !

© C. Gendre

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