Les magnétophones
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Un peu d'histoire :En 1998, le centième anniversaire de l'invention du Télégraphone est passé presque
inaperçu alors que c'est grâce à cet appareil que l'on peut aujourd'hui conserver
la voix, les sons et les images sur des bandes magnétiques,
que ce soient celles des magnétophones,
du DAT numérique, des magnétoscopes ou des caméscopes.
C'est un danois, Valdemar Poulsen, qui eut l'idée en 1898 d'enrouler
sur un cylindre - analogue à celui du Phonographe d'Edison -
un fil d'acier à spires jointives qu'un électro-aimant parcourait
en déposant une aimantation variable suivant les paroles prononcées
devant un micro d'appareil téléphonique.
L'enregistrement magnétique était né.
Appareil
à fil d'acier fabriqué par la société
Siméa vers 1945.
(Collection Marcel Cocset - Photo C.Gendre)
Certes, il était très imparfait et ne pouvait servir qu'aux communications téléphoniques, mais Valdemar Poulsen et son assistant Hitten remplacèrent très vite le cylindre par deux bobines sur lesquelles était enroulé le fil qui passait cette fois devant l'électro-aimant devenu fixe.
Cela donnait la possibilité de changer de bobines et de conserver
les enregistrements ce qui était impossible avec le premier appareil
puisque le fil était solidaire du cylindre.
Le principe même du magnétophone était né.
Mais le nom magnétophone, lui, n'était pas encore inventé puisqu'il a
fallu attendre 1936 pour qu'un appareil à bande magnétique recouverte
d'oxyde de fer soit baptisé
"Magnetophon" par la firme allemande AEG/Telefunken.
Le nom a très vite été adopté pour désigner tous les appareils
d'enregistrement magnétique.
Premier
"magnetophon" à bande magnétique construit par la
firme
AEG/Telefunken.
Il était exposé au Deutsches Museum de Munich il y a
vingt ans.
(Photo C.Gendre)
Il faut savoir que le fil d'acier a été employé jusqu'aux années cinquante sur des appareils appelés dictaphones qui servaient surtout à la dictée du courrier ou à l'enregistrement des conversations téléphoniques. Le magnétophone à bande magnétique ne s'est vraiment répandu dans le grand public
et dans les studios qu'après 1945.
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Magnétophone Polydict des années cinquante avec télécommande
et arrêt automatique à commande mécanique, grâce au compteur
à cadran horaire. L'ampli est à lampes : EF 86, 12 AX7, EL 84, EZ 80.
Il est photographié ici sans sa boîte en bois gaînée.
(Photo C.Gendre)C'est donc l'invention de la bande magnétique par
Fritz Pfleumer en 1928 (brevet 500 900) qui a permis son
développement. Cette bande a d'abord été fabriquée avec du papier
"kraft" (papier d'emballage) recouvert d'une couche d'oxyde de fer,
puis avec de l'acétate de cellulose et ensuite du polyvinyle.
Après la guerre, le polyester et le mylar ont amélioré la résistance
à la traction tout en favorisant par leur souplesse le contact
tête-bande sur les appareils.
Les enregistrements effectués sur les premiers magnétophones de 1936
n'étaient pas bons. Le ruban devait passer très vite devant les têtes magnétiques (à 76 cm/s et même à 1,52 m/s) pour
pouvoir reproduire les fréquences élevées qui, à l'époque,
dépassaient difficilement 10 000 hertz.
De plus, on entendait un bruit de fond assez important et la distorsion était grande. La cause en était l'absence de polarisation à haute fréquence (on dit aussi prémagnétisation) qui n'a été mise au point
qu'en 1940 par Walter Weber et Von Braunmühl en même temps que l'effacement par haute-fréquence. Jusque-là, on se servait d'aimants permanents pour effacer. Malheureusement,
ils faisaient entendre des sortes de borborygmes, audibles en fond sonore sur le son enregistré. Pourtant, cette polarisation haute fréquence avait déjà été découverte en 1927 par deux américains,
Carlson et Carpenter, pour les émissions hertziennes.
Après 1945, le magnétophone
commença à se développer dans le monde entier.
En 1949, Willi Studer présenta le Dynavox
puis, en 1952, le premier Revox T 26
grand public qui donna naissance à une longue
série de modèles.
Elle se termina avec le A 77 et le B 77
au cours des années quatre-vingts.
Dans le domaine des appareils autonomes, Stefan
Kudelski, alors jeune étudiant,
présenta en 1952 son premier Nagra I (on
nagra signifie en polonais : il enregistrera).
Pour l'entraînement de la bande, il avait
utilisé le moteur à ressort d'un phonographe,
remonté à l'aide d'une manivelle.
Devant le succès remporté, l'appareil fut
modifié très vite en Nagra II,
Nagra II C (à circuit imprimé)
puis, en 1957, en Nagra III avec moteur
à régulation électronique.
Le premier disque microsillon en
stéréophonie ayant fait son apparition en 1958,
les fabricants de magnétophones
orientèrent naturellement leur production
vers des modèles stéréophoniques.
En 1964, l'arrivée de la Compact-Cassette
Philips fit sensation.
Son imperfection sonore à l'époque de sa
sortie fut rapidement corrigée
grâce aux réducteurs de bruit de fond.
Trente-cinq ans après sa création, elle
est toujours parmi nous en stéréo.
Dans le domaine professionnel, le Nagra IV-S
(stéréo) fut présenté en 1968
et de nos jours, on ne peut plus concevoir un
enregistrement sonore
en monophonie sauf s'il s'agit d'un reportage pris sur
le vif.
Magnétophone
stéréophonique autonome des années soixante-dix
à
bande magnétique 1/4 de pouce : le Stellavox SP 7.
(Photo C.Gendre)
L'accélération
phénoménale des techniques du son et de la vidéo
rend maintenant
les appareils obsolètes quelques mois
après leur achat. Cela enlève
malheureusement beaucoup d'agrément à la
recherche de la plus belle
qualité sonore. L'ère des pionniers est
révolue puisque chacun peut
dorénavant enregistrer en numérique avec
une perfection presque identique
à celle des professionnels.
Néanmoins, la multiplication des appareils - qui
impressionne toujours les
néophytes - ne veut pas dire obligatoirement
qu'une prise de son sera bonne.
Comme dans tous les métiers, il reste le savoir-faire
de l'artisan qui apportera un je ne sais quoi de
meilleur.
C'est souvent cela qui fera la différence.
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©
C. Gendre