Oliver
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Les appareils "Oliver"
de 1954 à 1960

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En France, le magnétophone commença à se développer après la fin de la guerre avec les marques Polydict, Héraphone (Pathé), Dauphin, Séravox, Télectronic, Magnetic-France et surtout "Oliver". Charles Olivères, dont le magasin se trouvait 5 avenue de la République à Paris, vendait en effet ses appareils en état de marche ou en pièces détachées. On pouvait donc les monter soi-même d'après les plans fournis. Seule, la platine était assemblée en raison de la complexité mécanique.
Cette solution réduisait évidemment beaucoup la dépense. Une comparaison avec les salaires et les prix actuels est d'ailleurs étonnante !
Par exemple, d'après le catalogue valable pour les années 1959 et 1960, le modèle "Salzbourg 67 A" coûtait la somme
de 2 070,00 NF (nouveaux francs) en état de marche avec un micro à cristal, une bande de 360 mètres et une bobine vide.

salzbourg
Magnétophone "Salzbourg" de Charles Olivères.
Il mesurait 42 cm de largeur, 36 cm de profondeur et
24 cm de hauteur pour un poids de 21 kg.
Il était équipé de 7 lampes : 12AX7, EL84, 6AQ5, EZ81,
deux EF86 et un œil magique EM84 pour le réglage du niveau
d'enregistrement.
On disposait de deux vitesses : 9,5 et 19 cm/s, et la bande passante
à 19 cm/s s'étendait de 20 à 15 000 hertz.
(document Charles Olivères - 1960)

Pour le même modèle, complet en pièces détachées, avec valise mais sans micro ni bande, on ne déboursait que 1469,00 NF. Ce qui représentait une économie substantielle !
Il était possible d'acheter un microphone dynamique Mélodium
pour 340 NF (avec le transformateur nécessaire) et une bande magnétique de 360 mètres sur bobine de 18 cm coûtait 24 à 26 NF
suivant la marque (prix indiqués sur le catalogue Charles Olivères).

intérieur
Magnétophone "Salzbourg" sans sa valise.
L'amplificateur délivrait une puissance modulée de 4 watts et
le répartiteur de tension permettait de l'utiliser soit sur 110 volts,
soit sur 220 volts. Charles Olivères avait déjà prévu un système
électronique réducteur de souffle qui permettait d'atteindre,
d'après la notice, une dynamique de 62 dB .
(document Charles Olivères de 1960)

Quand on compare avec nos derniers "francs" (qui étaient naturellement des "nouveaux francs" bien que cela ne soit plus précisé depuis 1962), on ne peut s'empêcher de constater qu'en 1960, un magnétophone coûtait très cher par rapport au salaire moyen des français de cette époque (environ 800 NF par mois).
Aujourd'hui, bien que la vie ait augmenté plus de dix fois,
on trouve des appareils beaucoup plus complexes
pour 2 000 F comme par exemple une platine
permettant de reproduire des DVD, CD, CD-R, CD-RW
et même des SACD, disponible pour 299 euros
(soit 1 961,31 F) dans plusieurs "grandes surfaces".
Des enregistreurs de CD-R/CD-RW de très bonne qualité
sont affichés entre 240 euros (1574,30 francs)
et 380 euros (2492,64 francs).

Les débuts des magnétophones "Oliver" :
Charles Olivères commença en 1954 par produire deux
appareils appelés, l'un "Oliver baby 54", l'autre "Oliver senior 54"
qui étaient vendus en "francs" (anciens francs) puisque le
changement de monnaie n'eut lieu qu'en 1958.

baby
Magnétophone "Oliver baby" de 1954.
C'est le premier magnétophone que j'ai acheté en
pièces détachées et que j'ai construit avant de concevoir
et de réaliser entièrement le suivant depuis la platine
jusqu'à l'amplificateur.
Ce "baby" tournait à 9,5 cm/s et à 19 cm/s par
changement d'un mandrin sur l'axe du cabestan.
(document Charles Olivères - 1954)

En complément des magnétophones, Charles Olivères - qui était passionné par le cinéma amateur 16 mm - avait réalisé un système de synchronisation des caméras avec ses appareils (et même avec ceux d'autres marques connues comme Séravox et Télectronic).

synchro
Principe du "Synchromatic" de Charles Olivères.
(document Charles Olivères - 1954)

On pouvait, avec le "Synchromatic", tourner en "sonore"
ce qui - à l'époque - était inespéré pour les amateurs équipés
de caméras 8,  9,5  ou 16 mm. Au moment de la projection, la
bande magnétique synchronisait le projecteur grâce aux trains de
signaux enregistrés à la prise de vue sur la deuxième piste de
la bande alors que le son se trouvait sur la première piste.

Les années suivantes, Charles Olivères améliora la présentation
de ses appareils et mit au point les modèles Salzbourg,
New-Orleans, Monte-Carlo et Noailles, ce dernier
étant la version améliorée du "Baby".
Ces noms suggestifs ne pouvaient qu'inciter les amateurs à
acheter des magnétophones !

Une technique d'avant-garde...

À cette époque, il existait encore deux "standards" pour les
magnétophones à deux pistes :
le standard américain avec la piste haute enregistrée et le standard européen avec la piste basse enregistrée (ce qui ne facilitait pas les échanges des bandes entre l'Europe et les États-Unis !).
Par la suite, c'est le standard demi-piste haute qui a été choisi à l'échelon international et l'arrivée de la stéréo a résolu le problème (la piste haute concerne le canal gauche et la piste basse le canal droit).
Charles Olivères équipait déjà ses appareils avec des têtes d'effacement en "ferrite" travaillant à une fréquence de 120 000 Hz alors que
les grandes firmes comme Ampex, AKAI et bien d'autres, conservaient toujours une fréquence de prémagnétisation et d'effacement
de 45 000 à 60 000 Hz pour éviter l'échauffement
des têtes en fer doux. C'était par exemple le cas de l'AKAI 903
qui ressemblait beaucoup à un modèle Ampex.

Cette fréquence élevée, permise par l'emploi des têtes en ferrite
(céramique magnétique très dure composée d'oxydes binaires),
améliorait la qualité sonore en évitant les interférences avec les
 sons enregistrés. Elle diminuait le bruit de fond et la distorsion
tout en rendant l'effacement de la bande plus efficace (les magnétophones Revox l'ont très vite adoptée).

ampli
Amplificateur du magnétophone Salzbourg
vu par-dessous, du côté câblage.
(document Charles Olivères - 1960)

Avec le matériel vendu en "kit", on avait ainsi la possibilité
de créer soi-même un magnétophone puisque l'on pouvait
acheter les pièces détachées chez Olivères, Magnetic-France
et même chez Dauphin, villa Collet à Paris, qui en était venu
lui-aussi à l'enregistrement magnétique après avoir fabriqué
pendant longtemps, sous la marque "Le discographe",
d'excellentes platines de gravure de disques souples
en acétate de cellulose.
Au cours de la décennie suivante, le développement du
magnétophone et l'arrivée d'appareils très performants comme
les Revox, les Uher, les Tandberg et quelques autres, amenèrent
Charles Olivères à se tourner vers la presse technique
et la création d'une revue.
Il ne faut pourtant pas l'oublier car c'est lui qui a permis à de
nombreux jeunes de cette époque (j'avais 25 ans !) de
découvrir la technique de l'enregistrement magnétique
tout en réalisant un appareil qu'ils n'auraient
pas pu acheter, faute de moyens.

Une anecdote : quand on construit un magnétophone, on se heurte
à toutes les difficultés rencontrées par les ingénieurs des usines spécialisées. Par exemple, les têtes magnétiques "Oliver", de
bonne qualité, étaient recouvertes par un capot servant de
blindage, maintenu par une vis.

tête
Tête magnétique Oliver demi-piste haute d'une
largeur de 2,3 mm (entrefer : 5 microns). Les broches
correspondent au support d'un culot de lampe "octal"
pour faciliter le câblage.
Impédance : 1 200 ohms, niveau de sortie
à 1 000 hertz - 0 dB  : 12 millivolts.
Il existait la même tête au standard demi-piste basse.
(document Charles Olivères - 1954)

Or, quand la bande touchait le bord de
l'ouverture ménagée dans ce capot en mu-métal
pour lui permettre de s'appliquer contre l'entrefer
de la tête, le capot "lisait" en quelque sorte les signaux
enregistrés sur la bande, créant ainsi un pré-écho ou
un post-écho suivant le côté sur lequel elle frottait.
Le seul remède consistait à l'écarter suffisamment,
mais pas trop, pour qu'elle puisse quand même s'appliquer
contre l'entrefer de la tête. D'où l'importance des
guides fixes ou rotatifs. Les réglages n'étaient pas
simples et ce n'est qu'un exemple !

De même, Charles Olivères n'a jamais mis de presseur en feutre
pour appliquer la bande sur l'entrefer des têtes alors que d'autres marques utilisaient cette technique. Il est en effet nécessaire,
pour une bonne lecture des fréquences élevées, que le contact
tête/oxyde de fer soit le plus parfait possible.

platine
Platine du magnétophone Oliver Salzbourg.
On voit bien le volant lourd assurant un défilement sans
pleurage, les trois têtes magnétiques et l'électro-aimant
de commande. Le rebobinage est assuré par un moteur
spécial tandis que c'est le moteur principal qui
entraîne à la fois le volant et la bobine réceptrice.
(document Charles Olivères - 1960)

Les presseurs en feutre (qui s'encrassent vite !) amènent souvent
des problèmes : usure de l'entrefer, sifflements qui s'enregistrent
sur la bande, irrégularité d'usure de la tête et perturbations
au passage des collants quand la bande a été montée.
   Une bonne tension du ruban, bien réglée, soit avec trois moteurs comme dans le cas des appareils professionnels de studio,
   soit avec un embrayage sous les plateaux porte-bobines,
est toujours préférable.

magnetoperso
Magnétophone à trois moteurs, conçu et réalisé par l'auteur
du site en 1955, avec des pièces détachées Oliver (défilement,
moteur principal, têtes, oscillateur d'effacement), Dauphin (coffret,
galets, commandes) et Magnetic-France (moteurs de rebobinage).
Les composants électroniques avaient été achetés chez un détaillant
de la rue de Beaugrenelle (Paris 15e), disparu aujourd'hui.
C'était l'époque des pionniers !
(Photo Claude Gendre)

Heureuse époque où l'on apprenait par la pratique alors
qu'aujourd'hui on se contente d'acheter des produits tout
faits sans savoir comment ils ont été construits et
 comment ils fonctionnent. C'est la solution de facilité.
N'oublions pourtant pas ce qu'a dit
André Gide :
"L'art commence à la résistance, à la résistance vaincue.
Aucun chef d'œuvre humain qui ne soit
laborieusement obtenu."

   © C. Gendre

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