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Vebjörn Tandberg
Une destinée...

La marque "Tandberg" n'est pas inconnue des passionnés d'enregistrement sonore mais ce qui l'est peut-être, c'est la destinée étonnante de ce Norvégien, né au début du siècle dernier, qui a fondé une entreprise dont les conditions sociales dépassaient déjà en 1950 celles des salariés de France et de bien d'autres pays du monde.
Au point que certains dirigeants de l'Union soviétique de l'époque n'hésitèrent pas à se déplacer pour voir comment, dans un pays capitaliste, on pouvait arriver à un tel résultat.
Une usine dans un parc :

C'est en 1933 que Vebjörn Tandberg, sorti diplômé du collège technique de Trondheim, décida de fabriquer des haut-parleurs. Il s'installa dans un local de 40 m² et embaucha deux ouvriers et un ingénieur. Mais, très vite, il s'aperçut qu'il était plus rentable de construire
des postes de radiodiffusion ce qui permit à son
entreprise de se développer convenablement
jusqu'à la guerre de 1939-1945.
La Norvège ayant été occupée par les allemands, il continua la mise au point des récepteurs et 5000 postes furent entreposés dans différents  endroits en prévision de la libération.
Celle-ci étant arrivée, les postes furent rapidement vendus
et il envisagea la construction d'une usine de 16000 m² à
 Kjelsas, dans la banlieue d'Oslo. Elle fut terminée en 1950.
Comme il tenait à faire travailler ses ouvriers dans un cadre agréable,
un parc fut aménagé tout autour, avec des statues et des fontaines, pour que les salariés puissent s'y promener pendant les périodes de repos.

Le magnétophone commençant à se développer, Vebjörn Tandberg présenta au printemps 1952 le modèle "1", rapidement suivi du modèle "2", et les exportations commencèrent dès 1953. Le modèle "3 B" sortit en 1956 et fut importé en France.


(Document Tandberg)

La réduction du temps de travail :
Déjà, en 1937, le temps de travail dans l'usine Tandberg
n'était que de 42 heures par semaine contre 48 heures
en Norvège. En 1948, il fut réduit à 39 heures et la
sortie des ouvriers fut avancée de 9 minutes
afin d'éviter les encombrements qui se produisent
à 16 heures au moment de la sortie des bureaux.
Car la journée commence très tôt et se termine de
bonne heure puisque le jour tombe vite en raison de la
proximité du cercle polaire, permettant ainsi aux
parents et aux enfants de se retrouver tous ensemble
pour le repas qui a lieu en général vers 16 h 30.
À midi, un arrêt de 20 ou 30 minutes donne la possibilité
de prendre un lunch.

Chez Tandberg, le régime des vacances est également exceptionnel. Chaque salarié a droit à trois semaines l'été et une semaine l'hiver.
Au bout de 10 années de travail, les personnes âgées de
plus de quarante ans ont une semaine supplémentaire
de vacances. Enfin, après 5 ans de présence,
ouvriers et cadres reçoivent chaque année, à titre
de cadeau, un salaire-capital payé en deux
versements qui représentent 5% de leur salaire
annuel et augmentent tous les ans de 1%
jusqu'à 20% du traitement de l'année.

En raison du succès de ses productions, Vebjörn Tandberg
décida de faire construire une deuxième usine à Skedsmo
qui se trouve à 24 kilomètres d'Oslo. Elle fut ouverte
en 1966 au milieu d'une forêt de sapins.
Dans chaque usine, un grand hall abrite les chaînes
de montage. Certes, beaucoup d'entreprises ont plus
ou moins suivi le même parcours mais, en 1968,
Vebjörn Tandberg va innover.
À l'âge de 64 ans, étant resté célibataire, il fait "don"
de son entreprise à une fondation, la "Radiofabrikks Fond".
Cinq mille actions ayant été émises, il en garde une pour lui,
en donne une à son plus proche collaborateur
et les 4998 autres deviennent la propriété de
la "Radiofabrikks Fond" dont le but est la recherche et
le développement dans le domaine de l'électronique.
Les bénéfices seront consacrés aux oeuvres sociales
et à l'amélioration des conditions du travail.

Non content d'offrir chaque année un voyage à l'étranger
à une centaine de membres de son personnel par tirage au
sort, il fait construire une maison d'accueil dans laquelle
il reçoit chaque week-end vingt-cinq de ses ouvriers
avec leurs familles.
Cette maison, unique à cette époque dans toute la
Scandinavie, était pourvue d'une grande salle avec un
piano à queue à la disposition des invités
et d'une piscine intérieure, chauffée, pouvant être
instantanément convertie en piscine d'extérieur en
pressant sur un bouton qui faisait disparaître la verrière.


Magnétophone autonome (modèle 11) sur piles ou batteries.
Trois vitesses (4,75, 9,5 et 19 cm/s), trois têtes avec
contrôle direct/bande, trois entrées mélangeables.
On peut utiliser les bobines de 18 cm de diamètre
avec le capot ouvert.
(Document Tandberg)

Les produits Tandberg :

En 1968, les usines Tandberg produisaient environ 280 magnétophones et 280 récepteurs de radio et de télévision par jour, distribués dans presque tous les pays du monde.
Cinq modèles de magnétophones étaient disponibles : le modèle 11, autonome, qui se situait entre le Uher 4000 et le Nagra III, les modèles 14 et 15 successeurs du 3 B et les appareils stéréophoniques 6X et 12X à prémagnétisation à champs croisés (une tête spéciale était placée devant la tête d'enregistrement pour polariser
la bande à travers le support).
Enfin, Vebjörn Tandberg avait conçu deux laboratoires de langues vivantes diffusés en Scandinavie, en France et dans les pays anglo-saxons.
La simplicité d'utilisation des magnétophones, avec leur "manche à balai" pour commander les fonctions au lieu des touches habituelles, permettait immédiatement aux enfants de maîtriser l'appareil puisque les mouvements étaient logiques. C'était l'ancêtre de l'actuel "joystick".
La qualité était la règle et de nombreux magnétophones sont encore
en service dans certaines classes françaises, seuls les embrayages
et les courroies ayant besoin d'un entretien.


Magnétophone secteur (modèle 92) qui deviendra
le 923 puis le modèle 15 avec un ampli de
10 watts à transistors.
La manette de contrôle du défilement se trouve
à droite. Le haut-parleur est à l'avant.
(Photo C. Gendre)

La mise en service de la télévision en couleur en Norvège amena l'entreprise à commencer la construction d'une troisième usine dans les environs d'Oslo pour répondre à la demande.

Un homme profondément humain...

J'ai eu le privilège, en Septembre 1968, d'être reçu à Kjelsas par Vebjörn Tandberg. Séjour inoubliable autant par la chaleur de l'accueil que par l'ambiance qui règnait dans les usines. Vebjörn Tandberg aimait à dire :
 "Pour pouvoir donner le meilleur de soi-même, on doit se plaire à son travail ".
Alors qu'il possédait une voiture d'un modèle ancien ou aurait
pu se faire conduire par un chauffeur de service, il
préférait - été comme hiver - venir chaque matin à pied de
son domicile à l'usine principale où se trouvait la direction.
Et avant de se mettre au travail, il passait dans les chaînes
de montage et les bureaux pour dire bonjour à
chacun de ses employés.

Micro à cristal Tandberg : on voit à gauche
la capsule renfermant la membrane et le cristal.
Le boîtier, à droite, a été ouvert.
(Photo C. Gendre)

Profondément humain, peu enclin à faire de grands discours,
c'était avant tout un homme efficace. Malheureusement,
peut-être déçu par la vie ou par la société
qu'il avait créée, il a préféré quelques années plus tard
mettre fin à ses jours.
Ce fut son choix. Respectons-le. Mais ne l'oublions pas.

(c) C. Gendre

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