Orgue à bouche d'origine
laotienne (
Khen), semblable au "
shô"
japonais.
(in :
"
Les synthétiseurs, une nouvelle lutherie"
de C.Gendre - éditions Fréquences 1985).
L'orgue hydraulique :
Contrairement à ce que pensent
beaucoup de nos concitoyens, l'orgue n'a pas été inventé
pour accompagner
les chants religieux. Il faut savoir qu'à
Alexandrie, le fils d'un coiffeur ayant vécu dans les
années 246 avant J.C.
- il s'appelait Ctésibios
- préférait fabriquer des Clepsydres (pendules
à eau) et des jouets pour
les enfants au lieu de couper les cheveux des clients
de son père. Ce fils ingrat devint ingénieur et
il eut l'idée d'assembler une rangée d'aulos (les
hautbois de l'époque) sur une boîte étanche
dans laquelle il envoya de l'air
qui était comprimé dans une cloche métallique
par un système ingénieux de vases communicants.
Ce procédé fut décrit par Héron
L'Ancien.
Des soupapes actionnées par des touches
en bois s'ouvraient sous les tuyaux et un son très fort
en sortait.
(Photo C.Gendre)
Hydraule reconstitué
par Jean-Jacques Gramm, fondateur et conservateur
du Musée Suisse de l'orgue.
Il fonctionne très bien et doit être aujourd'hui
le seul au monde en état de marche.
Le son de l'Hydraule (ce nom vient
de hydôr : eau et de
aulos : tuyau) était puissant et on
s'en servait dans les batailles pour effrayer
les ennemis.
Par la suite, il fut utilisé dans les arènes
pendant les combats de gladiateurs et les jeux du cirque.
En 757 après J.C., Pépin-le-Bref en reçut
un en présent et on a retrouvé des traces d'hydraules
à Aix-le-Chapelle, vers l'an 812 après J.C.,
sous le règne de Charlemagne. Ainsi qu'à Nennig,
près de Trier en Allemagne, où l'on peut voir
sur une mosaïque gallo-romaine
la reproduction d'un orgue semblable.
À Utrecht, aux Pays-Bas, l'enluminure d'un psautier
porte aussi le dessin d'un orgue hydraulique.
Mais assez rapidement le système de pompe
à eau fut remplacé par des soufflets pour fournir
l'air nécessaire aux tuyaux. De plus,
afin d'avoir d'autres possibilités de sons, on commença
à
utiliser plusieurs rangées de tuyaux parallèles
posés sur un réservoir d'air, la "laye".
Ce qui conduisit à placer des pièces
de bois que l'on tirait ou poussait pour boucher le pied des tuyaux
de toute une rangée afin de choisir le son que
l'on voulait faire entendre. Ce furent les "registres".
Principe d'un orgue à
deux jeux.
(in : "Les synthétiseurs, une nouvelle
lutherie" de C.Gendre - éditions Fréquences
1985)
C'est seulement vers le
dixième siècle que l'orgue commença à
être utilisé dans les lieux du culte,
d'abord sous la forme d'instruments que l'on
portait dans les bras ou que l'on plaçait sur une table
(positifs),
puis on ajouta de plus en plus de tuyaux, pour avoir
plusieurs "jeux" et l'orgue devint
un instrument important, alimenté par des
soufflets permettant d'avoir toujours une pression d'air suffisante.
Le plus vieil orgue encore jouable au monde se trouve
en Suisse dans la Basilique de Valère-sur-Sion,
qui domine la ville de Sion et à laquelle
on ne peut toujours pas accéder en voiture
mais seulement par un chemin caillouteux.
(dessin C.Gendre -1980)
Le plus vieil orgue encore jouable au
monde
(In : "Les synthétiseurs,
une nouvelle lutherie" de C.Gendre - éditions
Fréquences 1985)
L'orgue de Valère, d'abord daté
de l'année 1390, est maintenant considéré comme
ayant été plutôt
construit vers 1435/1440 après des recherches
importantes effectuées dans les archives
et par les analyses scientifiques du bois et du
métal de l'instrument.
Il est placé sur une tribune en "nid d'hirondelle",
accrochée au mur du fond de la Basilique.
C'est Jean-Jacques Gramm qui en est le titulaire
"à vie" et chaque année, depuis 1968/1969,
a lieu un Festival qui attire les connaisseurs et
les passionnés de musique ancienne.
Il faut savoir que cet orgue ne possède qu'un
seul clavier à "octave courte", c'est-à-dire que
les touches en bois ne commencent qu'au "mi" qui donne la
note "do (ut)", le "ré" devant être
joué sur le "fa dièse" et le "mi" sur
le "sol dièse". On joue ensuite normalement le "fa",
le "sol", etc. Cette particularité, évidemment,
demande une grande habitude pour interpréter des oeuvres
d'orgue un peu plus modernes sans faire d'erreurs,
certaines étant même injouables.
(Photo Didier Coenca)
Clavier
de l'orgue de Valère-sur-Sion, avec ses touches en bois
creusées par des générations d'organistes.
Cette octave courte avait été faite
par les facteurs d'orgue de l'époque par souci
d'économie puisque les "tons" des chants
religieux n'utilisaient jamais
le do dièse, le ré dièse,
le fa dièse et le sol dièse.
Un organiste très renommé a d'ailleurs
refusé de donner le concert prévu à Valère
en raison de cette octave courte
dont il n'avait évidemment pas la maîtrise.
Le pédalier, rudimentaire, est également
à octave courte et ne sert souvent que pour jouer quelques
notes graves
ou pour tenir parfois une note de basse pendant
plusieurs mesures.
(Photo Franck Crosnier)
Pédalier
d'origine à une octave de l'orgue de Valère
Depuis sa construction vers 1435,
l'orgue de Valère-sur-Sion a conservé ses 135 tuyaux
gothiques mais en 1687,
le facteur d'orgues Christopher
Aeby de Soleure agrandit l'instrument en ajoutant cinq jeux
ce qui fit passer l'orgue
de 4 pieds à 8 pieds, le rendant ainsi moins
agressif et plus agréable à l'oreille. Pour la longueur
des tuyaux d'orgue, on a conservé le "pied" comme mesure (=
33 cm mais les facteurs d'orgue comptent plutôt 30 cm pour un pied).
Il faut néanmoins savoir qu'au Moyen-âge la longueur du
pied variait d'un pays, et même d'une région à l'autre,
ce qui fit dire au professeur Friedrich Jakob
dans son livre "L'orgue", paru chez Payot à Lausanne, que plus
les habitants
avaient de "petits pieds", plus leur "la"
était haut (il pouvait varier parfois d'une tierce
en plus ou en moins par rapport au "la 3")
!
À titre d'exemple, le premier "do" (C1) d'un jeu
de 32 pieds mesure 10 mètres de hauteur si c'est un tuyau ouvert.
En le fermant à l'extrémité, il
donne une note inférieure d'une octave pour la même
longueur.
Aujourd'hui, le Conseil de l'Europe a normalisé
en 1953 le "la 3" à 440 Hertz à 15° C de
température.
Pourtant, certains orchestres d'instruments anciens les
ont accordés à 442 Hertz et même
à 445 Hertz, comme à Wien en Autriche.
En 1954, une restauration fut effectuée par la
Manufacture d'orgues Kuhn de Männedorf
sous la direction de deux experts compétents
et une autre restauration fut effectuée
récemment en 2004 par la Manufacture d'orgues
valaisanne Füglister,
dans un respect total de la conservation du matériel
ancien et de sa sonorité.
Jean-Jacques Gramm et son Musée
Suisse de l'orgue (qu'il a transformé en Fondation
pour
assurer sa pérennité car malheureusement
personne n'est éternel), auquel s'ajoute
l'orgue de Valère, sont célèbres
maintenant dans le monde entier avec un Festival chaque été.
Ils vont permettre encore longtemps de défendre
les orgues à tuyaux face à l'invasion
des orgues numériques qui se répandent
de plus en plus dans les églises (http://www.orgue.ch) .
(Photo C.Gendre)
Le Musée Suisse
de l'orgue de Roche (VD)
Précisons pour terminer que le mot "orgue",
qui était toujours associé en français
à "amour et délice"
parce que ces trois mots devenaient féminins au pluriel
alors qu'ils étaient
masculins au singulier, a vu cette règle
modifiée par l'Académie française en 1960.
Rien n'a changé pour "amour et délice"
mais le mot orgue reste masculin au pluriel quand
il
désigne plusieurs instruments : "Les deux
orgues de ce Temple ont été construits par le même
facteur".
En revanche, s'il désigne un seul instrument
comme le Grand Orgue d'une cathédrale, on peut le mettre
au féminin si on le souhaite : "Les Grandes
Orgues de la manufacture Kuhn, installées sur la tribune
de la Cathédrale de Lausanne, avaient été
inaugurées au treizième jour de novembre 1955.
Précisons que cet instrument se trouve maintenant
dans la salle de la
Philharmonie de la Baltique, à Gdansk
(Dantzig) en Pologne.
Un nouvel orgue a été construit à
Lausanne par une manufacture d'orgues américaine (Fisk)
et il a été inauguré en décembre
2003".
(Photo C.Gendre)
Jean-Jacques Gramm joue sur les claviers
de l'orgue Tschanun de 38 jeux réels et 2 700
tuyaux, en cours
d'installation dans le Musée Suisse de l'orgue
en 1996. Il venait d'être offert par Radio Lausanne où
il
se trouvait dans le grand studio depuis 1934. C'est un magnifique
instrument à transmission électrique
sur lequel les visiteurs de tous les âges peuvent
jouer.
C'est
la condition indispensable pour faire connaître et
aimer l'orgue.
Ainsi
va la vie...!
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©
C. Gendre
10 mars 2013