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L'origine de l'orgue


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Depuis la nuit des temps, les êtres humains ont cherché à créer des SONS. Il y a peut-être 12 000 ans, les habitants du
 centre de la France utilisaient un "rhombe", instrument primitif formé d'une plaque de bois ou d'os attachée
par une cordelette à un manche. En faisant tourno
yer cette plaque au-dessus de leur tête, elle produisait
une sorte de vrombissement qui devait avoir une signification dans les fêtes religieuses de l'époque.
 Elle pouvait aussi servir à effrayer les animaux et les ennemis.
On a en effet retrouvé dans une grotte du village de La Roche, en Dordogne, un "rhombe" en bois de renne.
On a d'autre part découvert des peintures, des mosaïques, des vases décorés, datant de plusieurs milliers
d'années, représentant des musiciens jouant de différents instruments : tambours, aulos, lyres, etc. 

En ce qui concerne l'orgue, le premier instrument qui s'en rapproche le plus est probablement
le "shêng" chinois ou le "shô" japonais, sorte d'orgue à bouche formé d'une dizaine de roseaux ou
de tuyaux en bambous, attachés les uns aux autres, chacun percé d'un petit trou que l'on bouchait avec
le doigt pendant que l'on soufflait dans la partie centrale servant de réservoir d'air.
Khen   Orgue à bouche d'origine laotienne (Khen), semblable au "shô" japonais.
                              (in : "Les synthétiseurs, une nouvelle lutherie" de C.Gendre - éditions Fréquences 1985).


L'orgue hydraulique :

Contrairement à ce que pensent beaucoup de nos concitoyens, l'orgue n'a pas été inventé pour accompagner
les chants religieux. Il faut savoir qu'à Alexandrie, le fils d'un coiffeur ayant vécu dans les années 246 avant J.C.
- il s'appelait Ctésibios - préférait fabriquer des Clepsydres (pendules à eau) et des jouets pour
les enfants au lieu de couper les cheveux des clients de son père. Ce fils ingrat devint ingénieur et il eut l'idée d'assembler une rangée d'aulos (les hautbois de l'époque) sur une boîte étanche dans laquelle il envoya de l'air
qui était comprimé dans une cloche métallique par un système ingénieux de vases communicants.
Ce procédé fut décrit par Héron L'Ancien.
 Des soupapes actionnées par des touches en bois s'ouvraient sous les tuyaux et un son très fort en sortait.

                Hydraule (Photo C.Gendre)

Hydraule reconstitué par Jean-Jacques Gramm, fondateur et conservateur du Musée Suisse de l'orgue.
Il fonctionne très bien et doit être aujourd'hui le seul au monde en état de marche.

Le son de l'Hydraule (ce nom vient de hydôr : eau et de aulos : tuyau) était puissant et on
 s'en servait dans les batailles pour effrayer les ennemis.
Par la suite, il fut utilisé dans les arènes pendant les combats de gladiateurs et les jeux du cirque.
En 757 après J.C., Pépin-le-Bref en reçut un en présent et on a retrouvé des traces d'hydraules
à Aix-le-Chapelle, vers l'an 812 après J.C., sous le règne de Charlemagne. Ainsi qu'à Nennig,
près de Trier en Allemagne, où l'on peut voir sur une mosaïque gallo-romaine
la reproduction d'un orgue semblable.
À Utrecht, aux Pays-Bas, l'enluminure d'un psautier porte aussi le dessin d'un orgue hydraulique.
Mais assez rapidement le système de pompe à eau fut remplacé par des soufflets pour fournir
 l'air nécessaire aux tuyaux. De plus, afin d'avoir d'autres possibilités de sons, on commença à
utiliser plusieurs rangées de tuyaux parallèles posés sur un réservoir d'air, la "laye".
Ce qui conduisit à placer des pièces de bois que l'on tirait ou poussait pour boucher le pied des tuyaux
de toute une rangée afin de choisir le son que l'on voulait faire entendre. Ce furent les "registres".

schéma
Principe d'un orgue à deux jeux.

 (in : "Les synthétiseurs, une nouvelle lutherie" de C.Gendre - éditions Fréquences 1985)

C'est seulement vers le dixième siècle que l'orgue commença à être utilisé dans les lieux du culte,
 d'abord sous la forme d'instruments que l'on portait dans les bras ou que l'on plaçait sur une table (positifs),
puis on ajouta de plus en plus de tuyaux, pour avoir plusieurs "jeux" et l'orgue devint
un instrument important, alimenté par des soufflets permettant d'avoir toujours une pression d'air suffisante.
Le plus vieil orgue encore jouable au monde se trouve en Suisse dans la Basilique de Valère-sur-Sion,
qui domine la ville de Sion et à laquelle on ne peut toujours pas accéder en voiture
 mais seulement par un chemin caillouteux.

                             orgue de Valère (dessin C.Gendre -1980)
Le plus vieil orgue encore jouable au monde
(In : "Les synthétiseurs, une nouvelle lutherie" de C.Gendre - éditions Fréquences 1985)

L'orgue de Valère, d'abord daté de l'année 1390, est maintenant considéré comme ayant été plutôt
construit vers 1435/1440 après des recherches importantes effectuées dans les archives
 et par les analyses scientifiques du bois et du métal de l'instrument.
Il est placé sur une tribune en "nid d'hirondelle", accrochée au mur du fond de la Basilique.
C'est Jean-Jacques Gramm qui en est le titulaire "à vie" et chaque année, depuis 1968/1969,
a lieu un Festival qui attire les connaisseurs et les passionnés de musique ancienne.
Il faut savoir que cet orgue ne possède qu'un seul clavier à "octave courte", c'est-à-dire que les touches en bois ne commencent qu'au "mi" qui donne la note "do (ut)", le "" devant être joué sur le "fa dièse" et le "mi" sur le "sol dièse". On joue ensuite normalement le "fa", le "sol", etc. Cette particularité, évidemment, demande une grande  habitude pour interpréter des oeuvres d'orgue un peu plus modernes sans faire d'erreurs,
 certaines étant même injouables.
 
                            Clavier Valère (Photo Didier Coenca)
           Clavier de l'orgue de Valère-sur-Sion, avec ses touches en bois creusées par des générations d'organistes.       


Cette octave courte avait été faite par les facteurs d'orgue de l'époque par souci
d'économie puisque les "tons" des chants religieux n'utilisaient jamais
 le do dièse, le ré dièse, le fa dièse et le sol dièse.
Un organiste très renommé a d'ailleurs refusé de donner le concert prévu à Valère en raison de cette octave courte
dont il n'avait évidemment pas la maîtrise.
Le pédalier, rudimentaire, est également à octave courte et ne sert souvent que pour jouer quelques notes graves
 ou pour tenir parfois une note de basse pendant plusieurs mesures.

                              pédalier de Valère (Photo Franck Crosnier)
Pédalier d'origine à une octave de l'orgue de Valère

Depuis sa construction vers 1435, l'orgue de Valère-sur-Sion a conservé ses 135 tuyaux gothiques mais en 1687,
 le facteur d'orgues Christopher Aeby de Soleure agrandit l'instrument en ajoutant cinq jeux ce qui fit passer l'orgue
de 4 pieds à 8 pieds, le rendant ainsi moins agressif et plus agréable à l'oreille. Pour la longueur des tuyaux d'orgue, on a conservé le "pied" comme mesure (= 33 cm mais les facteurs d'orgue comptent plutôt 30 cm pour un pied). Il faut néanmoins savoir qu'au Moyen-âge la longueur du pied variait d'un pays, et même d'une région à l'autre, ce qui fit dire au professeur Friedrich Jakob dans son livre "L'orgue", paru chez Payot à Lausanne, que plus les habitants
 avaient de "petits pieds", plus leur "la" était haut (il pouvait varier parfois d'une tierce
 en plus ou en moins par rapport au "la 3"
) !
À titre d'exemple, le premier "do" (C1) d'un jeu de 32 pieds mesure 10 mètres de hauteur si c'est un tuyau ouvert.
En le fermant à l'extrémité, il donne une note inférieure d'une octave pour la même longueur.
Aujourd'hui, le Conseil de l'Europe a normalisé en 1953 le "la 3" à 440 Hertz à 15° C de température.
Pourtant, certains orchestres d'instruments anciens les ont accordés à 442 Hertz et même
à 445 Hertz, comme à Wien en Autriche. 
En 1954, une restauration fut effectuée par la Manufacture d'orgues Kuhn de Männedorf
 sous la direction de deux experts compétents et une autre restauration fut effectuée
 récemment en 2004 par la Manufacture d'orgues valaisanne Füglister,
dans un respect total de la conservation du matériel ancien et de sa sonorité.

Jean-Jacques Gramm et son Musée Suisse de l'orgue (qu'il a transformé en Fondation pour
assurer sa pérennité car malheureusement personne n'est éternel
), auquel s'ajoute
l'orgue de Valère, sont célèbres maintenant dans le monde entier avec un Festival chaque été.
Ils vont permettre encore longtemps de défendre les orgues à tuyaux face à l'invasion
 des orgues numériques qui se répandent de plus en plus dans les églises (http://www.orgue.ch) .

                   Musée (Photo C.Gendre)
     Le Musée Suisse de l'orgue de Roche (VD)
 
Précisons pour terminer que le mot "orgue", qui était toujours associé en français
à "amour et délice" parce que ces trois mots devenaient féminins au pluriel alors qu'ils étaient
 masculins au singulier, a vu cette règle modifiée par l'Académie française en 1960.
Rien n'a changé pour "amour et délice" mais le mot orgue reste masculin au pluriel quand il
désigne plusieurs instruments : "Les deux orgues de ce Temple ont été construits par le même facteur".
En revanche, s'il désigne un seul instrument comme le Grand Orgue d'une cathédrale, on peut le mettre
au féminin si on le souhaite : "Les Grandes Orgues de la manufacture Kuhn, installées sur la tribune
 de la Cathédrale de Lausanne, avaient été inaugurées au treizième jour de novembre 1955
.
 Précisons que cet instrument se trouve maintenant dans la salle de la
Philharmonie de la Baltique, à Gdansk (Dantzig) en Pologne.
 Un nouvel orgue a été construit à Lausanne par une manufacture d'orgues américaine (Fisk)
 et il a été inauguré en décembre 2003".

                J.J. Gramm
(Photo C.Gendre)
Jean-Jacques Gramm joue sur les claviers de l'orgue Tschanun de 38 jeux réels et 2 700 tuyaux, en cours
 d'installation dans le Musée Suisse de l'orgue en 1996. Il venait d'être offert par Radio Lausanne où il
 se trouvait dans le grand studio depuis 1934. C'est un magnifique instrument à transmission électrique
 sur lequel les visiteurs de tous les âges peuvent jouer.
 
C'est la condition indispensable pour faire connaître e
t aimer l'orgue.
     Ainsi va la vie...!

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                                                                                                      © C. Gendre
                                                                                                      10 mars 2013