L'holophonie ?...
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L'espace sonore :Dès l'apparition des premiers micros, de nombreux passionnés de la prise de son ont cherché à reproduire la réalité de l'audition humaine.
Les oreilles tiennent compte en effet de l'espace sonore qui les entoure. On sait aussi que Clément Ader, dès 1881, a déposé un brevet
concernant une audition en "stéréophonie".
(cf. page 122 dans le livre< Les microphones >).
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Dessin d'un projet de stéréophonie paru dans "Radio News" en 1925.
In : "Les Microphones" de C. Gendre (éditions Eyrolles).Ce génial inventeur - qui fut le premier à s'élever au-dessus du sol en 1890 avec son avion baptisé "l'Éole" - avait même réalisé, en août 1881, une attraction qui connut beaucoup de succès à l'Exposition Internationale d'Électricité de Paris. Il avait installé dix microphones sur la scène de l'Opéra. Cinq se trouvaient à gauche du trou du souffleur (numérotés de 1 à 5) et cinq autres à droite (numérotés de 6 à 10). Les micros étaient reliés par des fils à des écouteurs placés dans l'une des salles de l'exposition : le 1 et le 6 (pour l'oreille gauche et l'oreille droite), le 2 et le 7 de la même manière pour le casque
d'une autre personne, le 3 et le 8, etc.
Les auditeurs pouvaient donc entendre et suivre à
distance le déplacement des chanteurs sur la scène, de gauche à droite.
Ader avait baptisé cette attraction le "Théâtrophone".L'holophonie... Qu'est-ce que c'est ?
Le terme "holophonie" a été formé à partir du grec "holos" qui
signifie "entier" et de "phônê", la voix. Lorsqu'on utilise un
système "holophonique", on ne se contente
pas d'enregistrer les sons qui viennent de face, horizontalement,
mais on prend en compte également ceux qui arrivent de côté,
d'en haut et de l'arrière.
On cherche ainsi à enregistrer et à reproduire l'espace sonore
qui nous entoure dans sa totalité. Aujourd'hui on parle plutôt
de "multicanal", de "home theater" ou de son "surround".
Le développement du son numérique a aussi augmenté les
possibilités d'enregistrement jusqu'à 6 canaux (5.1= 3 canaux
de face, 2 canaux "surround" et 1 canal pour les très basses
fréquences) grâce à la mise au point du SACD et du DVD.
Mais il y a longtemps que le son à plusieurs canaux est connu
dans les salles de cinéma puisque l'un des premiers à avoir
utilisé un système "multicanal" synchronisé avec trois
projecteurs fut le "Cinérama", d'origine américaine,
présenté pour la première fois en 1952. Il s'installa au
théâtre de l'Empire à Paris pendant de longues années.
En 1953, c'est le "Cinémascope" qui fit son apparition
avec un son stéréophonique à quatre pistes.Il ne faut pas confondre avec la "quadriphonie" qui prend en compte le son venant de l'avant et celui venant de l'arrière. Des essais avaient été faits il y a une trentaine d'années pour un disque vinyle 17 cm-33 tours appelé "quadraphonique" par la firme Sansui (avec la collaboration du Grand Orchestre symphonique d'Eddie Barclay). Un codage avait été nécessaire mais on pouvait néanmoins lire le disque normalement en stéréophonie, la compatibilité ayant été préservée. La firme Neumann
a même sorti un microphone "quadriphonique" avec deux paires de capsules superposées, celles se trouvant dans la partie supérieure étant orientables horizontalement (cf. page 190 dans le livre < Enregistrement et conservation des documents sonores > de C.Gendre - éditions Eyrolles).Un système audio tridimensionnel :
Il est probable qu'en France, aujourd'hui, certains preneurs de sons effectuent des enregistrements en holophonie mais ils sont rares car il est nécessaire de posséder un matériel important pour pouvoir profiter pleinement du résultat. Je tiens néanmoins à citer l'un d'entre eux, Jacques Chaponnay. C'est lui qui en fut probablement l'initiateur.
Il a déposé le 17 juillet 1990 une enveloppe "Soleau" à l'INPI (Institut National de la Protection Industrielle) pour protéger son "Système audio tridimensionnel". Cela, avant le brevet demandé le 16 janvier 1992 par Kazuhiko Kanishi de la firme Pioneer
pour un procédé presque identique de prise de son,
brevet qui ne fut accordé qu'en mai 95 (classe 381/18).
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Système de prise de son à quatre micros de Jacques Chaponnay.
Il tient compte non seulement du plan horizontal mais aussi de la hauteur.
Pour une bonne reproduction, il faut quatre enceintes placées dans les angles
de la pièce d'écoute, deux en haut et deux en bas.
Les micros utilisés sont des Earthworks omnidirectionels QTC-1,séparés
par des boules en feutrine.
(Photo Jacques Chaponnay)Les résultats sont étonnants de vérité comparés à une prise de son en couple traditionnel (cf.< Prise de son, vous avez la parole >).
Il est nécessaire, évidemment, d'enregistrer la modulation provenant de chaque micro sur des pistes séparées ce qui est facile avec un appareil du genre Tascam DA 38, DA 78, DA 88 ou un Direct-to-Disc
à quatre pistes enregistrables simultanément.
Même en mixant par la suite les quatre pistes deux par deux pour obtenir un CD ordinaire, on est surpris par la perfection de la prise de son et l'effet d'aération et de profondeur.
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Schéma du système tridimensionnel de Jacques Chaponnay :
RA = canal droit A, RB = canal droit B, LA = canal gauche A,
LB = canal gauche B, R = right (droit), L = left (gauche),
AMP = amplificateur.
(Dessin Jacques Chaponnay)
in : Enregistrement et conservation des documents sonores (éditions Eyrolles)Jacques Chaponnay a d'ailleurs fait des émules puisqu'un jeune étudiant belge de la région de Louvain, Denis, a pris "l'holophonie" comme sujet de mémoire pour son diplôme, mais cette fois avec un enregistreur DA-38, huit micros et par conséquent huit enceintes amplifiées
placées dans les quatre coins de la pièce, en haut et en bas.
En écoutant l'ensemble, on doit donc pouvoir se déplacer dans l'espace sonore enregistré, de la même façon que l'on aurait pu le faire dans la salle ou l'église pendant le concert, avec des sensations auditives
identiques à celles que l'on aurait eues dans la réalité.
C'est la vérité sonore !
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Ensemble des huit transducteurs de l'étudiant belge de Louvain,
sans les câbles. La modulation provenant de chacun des micros est enregistrée
en numérique sur chaque piste du DA 38 Tascam.
C'est une belle réalisation... !
(Photo Denis Guerdon)Pour avoir la meilleure écoute, la norme voudrait, en stéréophonie,
que l'on se place au sommet d'un triangle équilatéral dont la base
serait égale à l'écartement entre les haut-parleurs du canal gauche
et du canal droit (les trois angles du triangle étant de 60 degrés).
Dans ce cas, il ne peut donc y avoir qu'une place "privilégiée" !
Dans une grande salle, c'est plutôt au sommet
d'un triangle isocèle que les auditeurs se trouvent le plus
souvent, avec un angle différent.Dans ces configurations, si l'on se déplace, on modifie
complètement le rapport qui existait à l'origine avec la
source sonore alors qu'en holophonie à huit canaux,
chaque position occupée correspond à l'écoute que
l'on aurait à la même place dans la salle où
l'enregistrement a été fait.
Reste le prix à payer, car le matériel indispensable
pour l'holophonie est important : il faut huit
microphones (ou au minimum quatre)
pour la prise de son, huit (ou quatre)
très bonnes enceintes acoustiques et
un enregistreur à 8 ou 4 pistes simultanées.Conclusion provisoire...
Il ne faut pas confondre l'holophonie avec le multicanal,
le 5.1, le son surround, le Home Theater et toutes les nouveautés que l'on voit dans les magasins de nos jours.
Avec l'holophonie, on revient à la perfection de la reproduction sonore que l'on cherchait au début de la Haute-Fidélité,
dans les années soixante.
Avec l'holophonie, on n'écoute pas le bruit des avions qui s'écrasent, celui des voitures de Formule 1 ou des accidents en tous genres mais
seulement LA MUSIQUE, dans toute sa beauté et sa simplicité.
Mozart l'aurait aimée.© C. Gendre